Quelle évolution des droits à l’assurance chômage ? (1979-2020)

L’Institut de recherches économiques et sociales (IRES) en partenariat avec la CGT a réalisé une enquête sur l’évolution de l’assurance chômage dans les quarante dernières  années.

Les chercheurs en sociologie, Mathieu Grégoire, Claire Vivés et Jérôme Deyris ont travaillé, pendant 2 ans, sur un « calculateur des droits » qui permet de mettre au jour l’évolution des droits à assurance chômage depuis 1979 jusqu’aux règles édictées en 2019. Jamais réalisée auparavant, l’étude modélise ainsi toute situation individuelle pour comparer la durée et le montant des allocations (ou leur disparition) d’une réglementation à l’autre. Pour y accéder, cliquer ICI

Cette étude démontre la baisse scandaleuse des droits à l’assurance chômage. De façon très précise, en effet, elle révèle que les droits des personnes qui alternent petits boulots (CDD de plus en plus courts, saisonniers, intérimaires, intermittents hors spectacle…) se sont dégradés, sous l’effet de différentes conventions, notamment depuis 2011 et, surtout, s’effondrent avec la réglementation 2019 imposée par le gouvernement.

Pour comprendre l’évolution des droits à l’assurance chômage depuis 1979, le rapport débute par une étude sur l’évolution sur 40 ans du taux de couverture en reconstituant des séries inédites et montrant notamment que la part des chômeurs indemnisés n’a jamais été aussi basse qu’à la fin des années 2010 (chapitre 1). Dans un second temps, l’étude retrace l’évolution de la règlementation de 1979 à 2019 (chapitre 2).
Le rapport présente ensuite (chapitres 3 à 6) le cœur de cette recherche : la construction d’un simulateur destiné à objectiver l’évolution des droits pour des profils particuliers de salariés. L’outil permet de calculer, pour tout cas constitué d’une trajectoire particulière d’emploi-chômage de 120 mois, les droits générés, mois par mois, dans le cadre de chacune des 10 principales conventions retenues entre 1979 et 2019. Il permet ainsi à la fois d’étudier les droits pour des trajectoires d’emploi très diverses et de comparer ces droits pour quarante ans de réglementation. Trois principaux types de trajectoires sont étudiés : les trajectoires des salariés stables, celles des salariés à l’emploi discontinu ayant des contrats de plus d’un mois et celles des salariés à l’emploi discontinu ayant des contrats de moins d’un mois.
L’étude donne ainsi à voir des dynamiques de l’indemnisation du chômage qui échappent, pour partie, à une analyse fondée sur les seules évolutions, réformes après réformes, des règles d’indemnisation. Elle montre notamment une inversion complète, entre 1979 et 2019, de la hiérarchie de l’indemnisation pour les salariés à l’emploi discontinu les plus précaires. Alors que ceux qui étaient les plus exposés au chômage en 1979 étaient les plus indemnisés, c’est l’inverse qui se produit en 2019 : leur indemnisation est d’autant plus forte que leur chômage est faible. Aussi cette étude permet-elle de s’interroger sur une transformation profonde du dispositif d’indemnisation du chômage qui, pour ces salariés, relève désormais moins d’une logique d’assurance face à un risque que de ce celle d’un compte d’épargne ou d’une prime pour l’emploi.
Elle donne aussi à voir à quel point la réforme de 2019 est constitutive d’un effondrement historique de l’indemnisation pour les salariés à l’emploi discontinu.

 

Chômage, la «deuxième vague» de l’épidémie? – Podcast

Chômage, la « deuxième vague » de l'épidémie ? JACQUES SAPIR ...

Plans sociaux en cascade, reprise économique timide, récession encore plus forte que prévu… Et si la flambée du chômage en avril n’était qu’un avant-goût de ce qui attend le marché du travail? Comment éviter une spirale dépressive dans l’après-coronavirus? Baisser les salaires permet-il vraiment de «préserver l’emploi»?

Jacques Sapir et Clément Ollivier reçoivent Bruno Ducoudré, économiste au département Analyse et prévision de l’OFCE.

Un podcast à écouter ICI

« Féminicides » et « La Maison des hommes violents » : deux documentaires édifiants

En 2019, 150 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint en France. Et la période de confinement dû à la crise sanitaire a encore accru les violences conjugales et domestiques…

C’est dans ce contexte tendu et sous la forme d’un appel à la prise de conscience que France 2 consacrait une soirée au sujet, le 2 juin avec deux documentaires à regarder en cliquant sur les liens suivants:

Féminicides: La réalisatrice Lorraine de Foucher y retrace une enquête méthodique sur cinq cas concrets menée par plusieurs journalistes d’investigation du journal Le Monde. Le quotidien a en outre publié en dossier spécial de 14 pages dans son édition du 31 mai, résultat d’une année d’enquête autour de 120 affaires d’homicides conjugaux.

À l’écran, les histoires emblématiques de Laetitia Schmidt, Sylvia Bouchet, Hélène Bizieux, Marie-Alice Dibon, Ana Galajyan, font l’objet d’un décryptage minutieux qui met en évidence un schéma criminel récurrent. On y retrace l’évolution de la relation de couple, de la rencontre jusqu’au meurtre, et on donne la parole à l’entourage des victimes, aux gendarmes, aux représentants de la justice quand ceux-ci ont accepté de s’exprimer.

Car des erreurs judiciaires à l’aveuglement des forces de police en passant par l’impuissance des familles et le tabou de toute une société, c’est le sentiment d’un immense abandon criminel qui se dessine. À bonne distance, la caméra de Lorraine Foucher sillonne la France pour signifier l’échelle du fléau et entre avec pudeur dans l’espace intime des proches qui se remémorent des engrenages souvent similaires, faits de signes avant-coureurs et de détails révélateurs d’une violence ordinaire.

Selon un rapport de l’inspection générale des services judiciaires publié fin 2019, dans 63 % des féminicides, des violences préexistantes auraient pu constituer un signal d’alarme. Dans 35 % des cas, elles n’avaient pas été signalées à la police, mais étaient le plus souvent connues de la famille, des voisins ou des services sociaux.

L’autre versant de ce constat glaçant est celui de la prise en charge des auteurs de ces violences. C’est l’objet du documentaire, La Maison des hommes violents de Marie-Christine Gambart, qui constitue, lui, une plongée dans la seule structure en France spécialisée dans l’accompagnement des auteurs de violences conjugales.

On suit le quotidien de six hommes placés par décision judiciaire à la maison des Rosati, à Arras, dans le Pas-de-Calais. En attendant leur procès, dans un cadre de vie strict qui les tient à distance de certaines addictions, l’équipe d’encadrement mène un suivi thérapeutique soutenu qui vise la remise en question et la prévention contre la récidive.

Quelques-uns y feront un court séjour de trois semaines et d’autres y resteront jusqu’à plusieurs mois. Après ce « sas » de réflexion, certains parviendront à sortir de la brutalité. Hubert est là pour un mois. Après avoir « bousculé » son épouse sous l’effet de l’alcool, il a reçu un rappel à la loi, et s’emploie à cuisiner quotidiennement au Centre. Les chemins de Kévin, Sébastien, Bernard sont plus tortueux…

La caméra évite soigneusement leurs visages mais Freddy, 41 ans, qui a passé la moitié de sa vie en prison pour de multiples condamnations, accepte de témoigner à visage découvert. Après 4 mois aux Rosaties, clean, il assume ses actes et reconnaît avoir franchi la ligne rouge. Pêchant au bord d’un fleuve par une journée estivale, il lâche « si j’en suis là, c’est aussi grâce à ma femme qui a trouvé le courage d’aller porter plainte. Sinon, comment ça aurait fini, on ne sait pas… ».

Il pourrait être un exemple que des hommes violents peuvent rompre la spirale infernale de la violence. Que la réponse répressive doit être accompagnée d’un accompagnement éducatif et social visant à la réinsertion. Dommage que la maison des Rosaties soit l’unique structure de ce type en France et que son avenir soit menacé par manque de financements.

Tout changer !

La pandémie du covid-19, qui a débouché sur une crise sanitaire d’ampleur, met en évidence les failles de notre système socio-écono­mique et signe la faillite des stratégies néolibérales menées avec constance par la plupart des gouvernements depuis plus de trois décennies. Elle montre a contrario l’importance de services publics de qualité, de systèmes de sécurité et protection sociale étoffés et confirme la nécessité de l’action publique. Un autre effet collatéral de cette crise est qu’elle a permis, à travers le ralentissement de l’activité économique induit par le confinement, de réduire le niveau de pollution et d ‘émission de gaz à effet de serre. Là où les gouvernements peinaient à adopter des mesures propres à tenir leurs enga­gements en matière climatique, la lutte contre le virus les y a contraint ; certes à leur corps défendant et dans la pire des conditions, mais démonstration est ainsi faîte qu’il n’y a là rien d’inéluctable. Au-delà des drames humains, cette crise aura toutefois un impact probablement considérable sur l’économie réelle et sur la vie des populations : baisse du PIB, faillites d’entreprises, explosion du chômage, perte de revenus. Et les catégories les plus démunies, les plus fragiles et les plus précaires en subiront plus que d’autres les effets.

Alors que l’on ne sait pas encore quelle sera la durée de cette pandémie et donc l’ampleur effective de ses conséquences économiques et sociales, il y a urgence à réfléchir à l’après et à préparer les mesures qui permettront d’en limiter les dégâts en relançant l’activité économique, l’emploi et le pouvoir d’achat.

Toute la question est de savoir comment : fermer au plus vite cette mauvaise parenthèse et renouer avec les politiques antérieures ou profiter de cette crise pour changer de paradigme en remettant les besoins humains plutôt que l’intérêt du capital au coeur des processus productifs et en intégrant les néces­sités de la transition écologique ?

Brochure « Tout changer » à télécharger ICI

 

 

« Black Panthers » d’Agnès Varda, un documentaire radical et déterminé

Black Panthers (Agnès Varda, 1968) | Pirate-Punk.net ⚑ Communauté ...En 1968, au moment où ouvriers et étudiants français bouleversent l’ordre en place en France, Agnès Varda se tourne vers une autre révolte, celle du Black Panther Party aux États-Unis, à Oakland. Dans un documentaire radical et déterminé, elle évoque la répression policière en adoptant le ton révolutionnaire des militants qu’elle filme.

Un documentaire à regarder ICI