La réforme du chômage va aggraver l’état de santé des demandeurs d’emploi

Maladies chroniques et cardiovasculaires, mal-bouffe, diabète, dépressions : le chômage n’est pas bon pour la santé. Avec le durcissement de l’accès aux indemnités, l’état de santé des plus précaires risque de se dégrader encore davantage.

 

 

Que vont devenir les centaines de milliers de personnes qui verront leurs indemnités chômages amputées si la réforme prévue par le gouvernement venait à s’appliquer en septembre prochain, alors même que se profile un nouvel afflux massif de demandeurs d’emploi à l’automne ? Et comment celles et ceux qui ne pourront prétendre à aucune indemnité vont-ils faire ? Une seule certitude : leur état de santé risque de s’aggraver. Car le chômage n’est pas bon pour la santé. Peu documenté, le sujet mérite pourtant que l’on s’y penche, il concerne en effet plusieurs millions de personnes.

Stress, maladies cardiovasculaires et surmortalité

14 000. C’est le nombre de morts directement causées par le chômage, chaque année, en France. Ce chiffre, issu de la première étude française sur la santé des chômeurs, est sorti en 2015 [1]« On a longtemps résumé la surmortalité des chômeurs à la question des suicides, décrit le chercheur Pierre Ménéton, qui a dirigé l’étude. Cette problématique existe, bien sûr. Elle concerne plusieurs centaines de personnes chaque année, mais la surmortalité est en réalité bien plus vaste. Elle est due en premier lieu aux pathologies cardiovasculaires, plus fréquentes chez les demandeurs d’emploi. » Aux comportements addictifs – tabac et alcool – plus répandus, s’ajoutent le stress et l’angoisse dont l’étreinte s’aggrave à mesure que la durée de chômage augmente.

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À cela s’ajoutent les défauts de soins. 31 % des femmes et 29,8 % des hommes à la recherche d’un emploi renoncent aux soins pour des raisons financières, contre respectivement 15 % et 11 % des personnes ayant un emploi [2]. D’autres sont terrifiés à l’idée de ne pas consacrer l’intégralité de leur temps à la recherche d’un emploi. « J’ai renoncé à une hospitalisation pour mon diabète, par peur de passer à côté d’une offre d’emploi intéressante, de ne pas pouvoir me rendre à un entretien », rapporte ainsi une femme. « Certains médecins sont compréhensifs, raconte Mélanie, interrogée lors de l’étude. Mais tous ne jouent pas le jeu. Une professionnelle m’a incitée à suivre des séances de sophrologie et à prendre des médicaments non remboursés. Tout cela à un coût… inaccessible lorsque l’on perçoit le chômage. »

Dépressions et mauvaise alimentation

Au chômage de longue durée, Mélanie confie avoir des « problèmes de sommeil et de stress qui s’accompagnent de maux de dos, de problèmes de digestion, d’angoisse et de palpitations » [3]« Il est plus difficile de se nourrir correctement en période de chômage. On se tourne vers des enseignes à bas coût. Le coût des aliments est ma priorité et non plus la qualité de mon alimentation », témoignent des demandeurs d’emploi. « Le chômage impacte négativement les habitudes de vie, souligne Pauline Simon de l’association Solidarités nouvelles face au chômage (SNC), Le manque d’activité physique et les mauvaises habitudes alimentaire constituent des sur-risques pour la santé. »

Aux repas manqués, ou de mauvaise qualité, peuvent succéder des épisodes boulimiques, ou des pertes d’appétit. « Le fait d’être au chômage est particulièrement mal vécu psychologiquement, insiste Pierre Ménéton. Les personnes au chômage sont plus dépressives, elles ont davantage de troubles du sommeil. Et c’est vraiment lié au chômage, puisque l’on ne retrouve pas ces problèmes de santé parmi les retraités ou les mères au foyer par exemple, qui sont des personnes également sorties du monde du travail. » 24 % des hommes et 26 % des femmes qui ont été au chômage ont connu des épisodes dépressifs, contre 13 % et 22 % pour les personnes qui travaillent [4].

Le chômage fait aussi des victimes collatérales, au sein de la famille. Le « non-recours à la CMU par exemple peut avoir un impact sur les enfants », éclaire Pierre Ménéton. « L’angoisse diffuse des enfants a un impact sur leur avenir scolaire », rappelle Jacqueline Farache dans une étude remise au conseil économique, social et environnemental (Cese) à propos des conséquences du chômage. Mais les enfants mineurs ne sont pas les seuls concernés. Le chômage des jeunes est une source d’angoisse pour leurs parents, voire leurs grands-parents.

« Perdre son emploi c’est perdre son identité sociale, voire sa valeur sociale »

« C’est une période souvent vécue comme un traumatisme, témoigne auprès de Basta ! Jacques Baugé, médecin à la retraite et accompagnant de personnes au chômage au sein de l’association SNC. Il y a l’inconnu de l’avenir, et le fait de ne pas avoir de réponse aux diverses candidatures ou démarches que l’on entreprend. Au bout d’un certain temps, une vraie lassitude s’installe. » Jacqueline Farache relève que « la recherche d’emploi est une obligation assortie de contrôles, une norme juridique, sociale et subjective, une épreuve usante plus qu’un programme ».

« Découragée, seule et anxieuse, cette longue période sans travail n’a fait que renforcer mon manque de confiance en moi, ma culpabilité et ma déprime », illustre une demandeuse d’emploi. Si les personnes sont si touchées, c’est parce que « le travail a une fonction identitaire très importante, souligne Jacques Baugé. Sans travail, le collectif disparaît. On change de position vis-à-vis de ses enfants et de son.sa conjoint.e. Il faut meubler le temps, c’est loin d’être évident. Le confinement l’a bien montré : c’est difficile de gérer son temps quand il n’y a pas de repère. »

« Perdre son emploi c’est perdre son identité sociale, voire sa valeur sociale. Cette réalité est très prégnante en France où la population se distingue par un véritable investissement dans la valeur travail qui vient parfois supplanter d’autres dimensions de la vie. Les enquêtes d’opinion mettent en avant un attachement au travail bien plus fort en France que dans d’autres pays européens », souligne Jacqueline Farache.

La stigmatisation des chômeurs aggrave leur stress

Contrairement à une idée reçue, ce ne sont pas le temps libre et les loisirs qui occupent une place prépondérante dans la vie des Français.es, mais plutôt le travail. Il est mis en avant par tous les groupes sociaux, y compris par les demandeurs et demandeuses d’emploi. « Au-delà de sa fonction rémunératrice, les Français.es pensent que le travail est un vecteur d’épanouissement ou de réalisation de soi. Ils sont 78 % à l’affirmer, contre 47 % des Suédois.es, 48 % des Allemand.e.s ou 58 % des Anglais.es, cite Jacqueline Farache. En conséquence, le chômage est particulièrement mal vécu par les personnes car il porte atteinte à l’image qu’elles ont d’elles-mêmes. »

Ce surinvestissement de la valeur travail accentue l’épreuve de la stigmatisation. « Le regard de la société sur les chômeurs est très sévère, rappelle Pauline Simon. Quand on a pas de travail on s’isole et on a honte. Beaucoup de gens ne sortent plus. » Parmi les pistes avancées par celles et ceux qui accompagnent les chômeurs : une vaste campagne d’information sur les effets dévastateurs des jugements dévalorisants qui constituent « une véritable charge mentale souvent difficile à supporter pour les individus », selon le rapport du Cese.

La réforme qui s’annonce va entraîner des problèmes de santé massifs

« Quand le contexte social est favorable, avec par exemple de bonnes indemnités, on amortit les effets négatifs du chômage », remarque Pierre Ménéton, très préoccupé par la réforme annoncée, « qui ne parle absolument pas de santé, pas plus que la réforme des retraites… »  « Nous avons de grande inquiétude concernant cette réforme qui va précariser les plus fragiles, appuie Pauline Simon. Les chômeurs sont extrêmement angoissés à l’idée de voir leurs indemnités réduites. « Ils veulent qu’on se suicide », disent certains d’entre eux. » « On a vu l’activisme des pouvoirs publics sur la question du Covid-19, conclue Pierre Ménéton. Ils sont également très actifs sur la question de la sécurité routière. C’est d’ailleurs très bien. Mais pourquoi ne font-ils rien pour ces millions de chômeur dont l’état de santé est très dégradé ? » 

Nolwenn Weiler (Source article Bastamag )

Dessin : Rodho

Notes

[1Pour une présentation de cette étude voir ici

[2Etude Constances : le chômage, un problème de santé publique, voir ici.

[3La santé des chercheurs d’emploi, un enjeu de santé publique. Rapport de l’association Solidarités nouvelles face au chômage. 2018.

[4L’impact du chômage sur les personnes et leur entourage : mieux prévenir et accompagner. CESE, 2016, ici.

Philippe Martinez (CGT) : « Ce serait un signal fort que Macron abandonne la réforme de l’assurance chômage ! »

Les partenaires sociaux  étaient reçus ce mercredi à l’Elysée … attentes autour de la réforme de l’assurance chômage, du chômage partiel et de l’aide à l’embauche des jeunes.

 

Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, était l’invité de l’émission Ecorama du 24 juin 2020, présentée par David Jacquot sur Boursorama.com.

Une interview à retrouver ICI

 

 

Les retraites, Trois siècles d’histoire (2ème partie)

En 1945, la France est exsangue. Comment est-on parvenu à construire notre système de sécurité sociale en dépit de cela ? et comment a-t-on abouti moins de 40 ans plus tard à la retraite à 60 ans pour tous les salariés ? Deuxième volet d’un documentaire retraçant trois siècles d’histoire des retraites, ce film du Centre d’Histoire Sociale des Mondes contemporains aborde ici la période allant de 1945 (construction de la sécurité sociale) à la mise en œuvre de la retraite à 60 ans en 1982-1983.

A regarder ICI

Exigeons l’annulation de la réforme de l’assurance-chômage et la mise en place de nouveaux droits !

Assurance chomage
Malgré la crise sociale qui se profile dans le sillage du confinement, le gouvernement maintient sa réforme de l’Assurance-chômage. La deuxième phase, qui devait entrer en application le 1er avril, a été reportée à septembre. Elle modifie les règles de calcul de l’indemnisation, entraînant une baisse moyenne des indemnités de 22 %.

Avec la crise sanitaire, une crise sociale et économique se profile. En mars, Pôle emploi enregistrait une augmentation de 7,1 % du nombre d’inscriptions, due à des fins de contrats, des fins de missions en intérim… Au total, « la France comptabilise 3 732 500 chômeurs de catégorie A (personnes sans emploi tenues d’effectuer des démarches de recherche, selon la définition de Pôle emploi, ndlr) », a indiqué Pôle emploi dans un communiqué fin avril.

Signez et faites signez la pétition http://www.cgt09.fr/IMG/pdf/petition_assurance_chomage.pdf

Explosion du chômage dans les mois à venir

Dans le secteur aéronautique et automobile, des sous-traitants prévoient déjà de licencier massivement. Le 14 avril, le PDG de Daher, qui travaille avec Airbus, a ainsi évoqué dans un mail interne « un plan de survie »et « des mesures douloureuses et inédites » : 3 000 postes pourraient disparaître. Chez Sabena Technics, spécialisée dans la maintenance aéronautique, la perspective de près de 250 licenciements sur les sites de Dinard et Bordeaux a été évoquée. Dans la chaîne de meubles Alinéa, ce sont 2 000 postes qui risquent de disparaître. Plus d’un millier pour Naf-Naf et 6 000 pour la chaîne de magasins La Halle.

Malgré ces données, le gouvernement ne change pas sa ligne et continue de s’attaquer aux droits des travailleurs, en témoigne son refus d’annuler la réforme de l’Assurance-chômage – comme le revendique la CGT depuis des mois. La deuxième phase de la réforme, qui devait entrer en application le 1er avril, a été reportée à septembre. Elle modifie les règles de calcul de l’indemnisation, entraînant une baisse drastique des droits. De fait, le salaire de référence sera calculé, non plus sur les jours travaillés dans les douze derniers mois, mais sur l’ensemble de la période allant du début du premier contrat à la fin du dernier contrat signé dans les vingt-quatre derniers mois.

Par exemple, si une personne a travaillé six mois sur vingt-quatre, avec un salaire total de 7 200 euros, ce chiffre sera divisé par l’ensemble des jours de ces vingt-quatre mois. Avec cette mesure, l’indemnité médiane va passer de 905 euros à 708 euros, c’est à dire que plus de 50 % des personnes indemnisés toucheront moins de 708 euros par mois. Certes, en allongeant la période de référence, la réforme allonge la période d’indemnisation : les allocataires seront indemnisés plus longtemps, mais ils seront plus pauvres.

Déjà, la première phase de la réforme, entrée en vigueur le 1ernovembre, avait durci les conditions d’accès, portant de quatre à six mois le nombre de mois travaillés pour ouvrir des droits. Au 1er mars, 410 000 travailleurs précaires n’ont pas pu ouvrir ou recharger leurs droits suite à l’application de ces nouvelles règles. Dans les mois à venir, cette mesure risque de laisser sur le carreau nombre de saisonniers et de travailleurs précaires, intérimaires ou CDD, qui ont vu leur saison amputée et leurs contrats annulés par le confinement.

Cette situation est particulièrement grave pour les salariés de certains secteurs comme les hôtels, cafés, restaurants, l’événementiel, le tourisme et la culture mais elle n’épargne aucun travailleur précaire, dans toutes les industries, les services et même dans les services publics qui usent et abusent de contrats précaires.

La réforme ne peut être maintenue !

Dans ce contexte, il est urgent de revenir sur les réformes de l’Assurance-chômage :

  • annulation du durcissement du seuil d’ouverture de droit depuis le 1er novembre 2019 ;
  • annulation de l’allongement à six mois du seuil de rechargement ;
  • annulation définitive de la dégressivité ;
  • annulation de la mise en œuvre au 1er septembre du changement de mode de calcul de l’allocation, qui induirait une baisse pouvant aller jusqu’à 75 % des allocations mensuelles.

Nous demandons la prolongation d’un an des droits pour tous les travailleurs précaires, et le gel du décompte des droits pendant la période d’impossibilité de travailler, sans quoi de nombreux salariés inscrits vont se retrouver sans droits.

En effet, pour l’instant au 31 mai, même des personnes n’ayant pu travailler depuis mi-mars (et même début mars dans des secteurs comme l’événementiel) et n’ayant pas bénéficié de la prolongation des droits, vont se retrouver sans droits, ayant « consommé » leurs allocations journalières.

À terme, l’Assurance-chômage doit jouer pleinement son rôle en assurant un revenu de remplacement pour toutes celles et tous ceux qui sont privés d’emploi.

Nous exigeons une négociation avec le gouvernement pour la mise en place de ces mesures pour le régime général comme pour les annexes 8 et 10 (artistes et techniciens intermittents du spectacle), pour lesquelles les annonces d’Emmanuel Macron demeurent floues.

Les retraites. Trois siècles d’histoire (Première partie)

L’histoire des retraites, des régimes pionniers au régime général, a commencé en France il y a plus de 300 ans.

Ce sont alors les premiers régimes « spéciaux » qui apparaissent, puis pointent les notions d’assistance, au temps de la révolution française, puis se développent les pensions dans les mines ou dans les compagnies de chemins de fer, au temps des révolutions industrielles. Les notions de cotisations, de répartition, de capitalisation pointent aussi.

Parallèlement à l’Etat, au patronat, à l’église, apparaissent de nouveaux acteurs, sociétés de secours mutuels, syndicats, sociétés d’assurance… Des lois se succèdent, 1853, 1905, 1910, 1930… jusqu’aux ordonnances de 1945.

Ce fut une longue histoire, sur des périodes somme toute assez brèves.

Appréhender cette histoire, c’est aussi mieux comprendre les enjeux qui se posent aujourd’hui.

Documentaire en deux parties de 52 mn produit par le centre d’histoire sociale des mondes contemporains à regarder ici 

Réalisation : Jeanne Menjoulet

Les historiens interviewés sont : Michel Margairaz, Michel Pigenet, Laure Machu, Claude Didry, Manuela Martini, Michel Dreyfus (bref extrait d’un précédent film du CHS, « histoire de l »économie sociale et solidaire »).

Ce documentaire a été réalisé à l’occasion de la publication du « prix du travail » (ouvrage collectif coordonné par Michel Margairaz et Michel Pigenet, paru en 2019).

Remerciements à l’anthropologue Armelle Faure et aux archives départementales de la Corrèze et du Cantal (à Frédéric Bianchi) pour l’autorisation d’utilisation d’extraits de témoignages oraux recueillis dans le cadre du projet « barrages et habitants ».