Jean Bassères: Ce que nous proposons face à la crise!

Le patron de Pôle emploi : « Chaque demandeur d’emploi aura un spécialiste pour répondre à ses questions »
Plan jeunes, plan de relance… Pôle emploi dispose de moyens « suffisants », estime son directeur général, Jean Bassères, pour gérer l’afflux de nouveaux inscrits. Comment l’organisme va faire face à la hausse des inscriptions et à la chute du nombre d’offres. Les nouveautés qu’il prépare.
Par Emmanuelle Souffi – JDD – 24 oct. 2020
Pour la CGT Pôle emploi, contrairement aux dires du DG, Pôle emploi n’a pas les moyens humains pour répondre à l’afflux des usagers dans la période, surtout que seuls des CDD précaires, au salaire minoré et sans réelles formations ont été recrutés pour exercer principalement notre mission de Conseil à l’emploi.

Décès à Pôle Emploi: toute la lumière doit être faite !

Suite au décès d’un de nos collègues en Guadeloupe, la CGT Pôle emploi Bretagne présente ses condoléances à sa famille et l’assure de son soutien dans cette terrible épreuve.
Celui-ci avait 62 ans travaillait sur le site de Saint-Martin. L’agence a fermé ses portes. Les salariés sont inquiets. a lire dans France Info Guadeloupe
La CGT Pôle emploi Bretagne est solidaire de la CGTG et exige que toute la lumière soit faite sur les circonstances du décès de notre collègue.

Face à la vague de chômage qui se profile, l’état de santé alarmant des agents de Pôle emploi

« Les collègues n’arrivent plus à dormir, ils ont des migraines, tombent malades », témoigne-t-on en interne. Les agents de Pôle emploi retiennent leur souffle : le nombre de chômeurs risque d’exploser dans les mois qui viennent, et la réforme durcissant les conditions d’accès à l’indemnisation est malgré tout maintenue.

 

 

Comment faire face à l’afflux de chômeurs qui s’annonce ? Et comment expliquer à un demandeur d’emploi que son indemnité sera réduite de moitié ? Ces questions angoissent nombre d’agents de Pôle emploi, à l’heure où l’on reparle de la réforme du chômage, qui prévoit de durcir les conditions d’accès à l’indemnisation. Malmenés depuis dix ans par des restructurations en cascade, sidérés par les politiques de plus en plus discriminatoires envers les chômeurs, les agents de Pôle emploi ne vont pas bien. Certains sont épuisés, beaucoup veulent quitter leur boulot. Alors que le pire reste à venir : la Banque de France prévoit la destruction de près d’un million d’emplois d’ici 2021, avec un taux de chômage qui dépasserait les 11 % !

« Les collègues n’arrivent plus à dormir, ils ont des migraines, tombent malades »

« Les collègues n’arrivent plus à dormir, ils ont des migraines, tombent malades, viennent au travail la boule au ventre, la situation est vraiment tendue », rapporte Lakhdar Ramdani, agent pôle emploi et délégué syndical CGT. « Ils sont d’autant plus mal que dans le cadre de la réforme, on les a prévenus que des vigiles allaient être recrutés au niveau de l’accueil, pour gérer les situations difficiles », complète sa collègue Catherine Barbier, ancienne déléguée syndicale de Pôle emploi à Saint-Malo. Programmée pour le 1er avril 2020, la réforme qui va entraîner une diminution brutale du revenu des personnes au chômage a été suspendue à cause de la crise sanitaire. Elle devrait finalement entrer en vigueur le 1er septembre. « Ajoutons, précise Chantal Rublon, responsable régionale de la CGT Pôle emploi Bretagne, qu’au regard de l’augmentation du taux de chômage, la montée en charge de l’activité va être exponentielle dans les prochaines semaines. »

S’il s’accroît avec les violentes réformes entreprises par les équipes de Emmanuel Macron, et les prévisions de crise économique, le mal être des agents de Pôle emploi n’est pas nouveau. Il rampe dans les couloirs de l’établissement public administratif (EPA) depuis plus de dix ans, quand l’État a décidé de fusionner l’ANPE – qui accompagnait les chômeurs dans leur recherche d’emploi, et les Assedic – qui avaient en charge leur indemnisation. Pour coller au souhait de la « double compétence », chère à la direction, les agents sont alors sommés d’apprendre au pas de course un nouveau métier, qui s’ajoute bien souvent au premier, sans qu’aucun moyen supplémentaire ne leur soit accordé, avec des formations trop sommaires. Le tout dans un contexte de crise (nous sommes un an après 2008), « qui n’avait pas été anticipé et qui a fait peser sur les agents une pression supplémentaire », avait reconnu le directeur de l’agence Jean-Paul Alduy en 2011 [1].

« Une saisie mal faite peut déboucher sur la radiation d’un demandeur d’emploi »

La numérisation grandissante, vendue comme une promesse de gain de temps, aboutit bien souvent à l’extrême inverse car ici, comme ailleurs, ça rame, ça plante, ça bloque, et ça fait perdre un temps précieux à tout le monde. C’est d’autant plus compliqué à gérer que les logiciels changent très souvent, sans que personne ne soit correctement formé pour les utiliser. Il arrive régulièrement que les agents découvrent des applications en même temps que les demandeurs d’emploi qu’ils reçoivent. « Cela ne fait pas très professionnel », regrette Aurélie, agente depuis plus de dix ans et syndiquée à Sud. « C’est très stressant, complète Erwan, qui travaille également depuis dix ans dans une agence bretonne. Une saisie mal faite peut déboucher sur un avertissement pour le demandeur d’emploi, voire sur sa radiation… »

Cette impression d’incompétence est mauvaise pour la santé, et la façon dont la dernière réforme a dû être avalée par les agents n’augure rien de bon. Après une journée de e-learning, les agents vont se retrouver en face de chômeurs qui exigent des réponses précises, alors qu’eux ne peuvent délivrer que des approximations. « Les gens ne se contentent pas de généralités, détaille Aurélie. C’est là notre difficulté. S’ils reprennent une activité avant l’épuisement de leurs droits, est-ce qu’ils ne risquent pas d’avoir encore moins de revenus ? Et s’ils partent en formation, qu’est-ce qui se passe ? Parfois, nous ne pouvons rien leur répondre. » Erwan confie : « Nous avons vraiment peur de nous tromper, et de briser cette relation de confiance que nous avons avec les demandeurs d’emploi, et qui est si importante ».

Pour Gisèle, cette relation s’est « brisée » au fil des années et des attaques de plus en plus violentes contre les chômeurs. « Certains ont peur de nous et disent qu’on peut leur couper les allocations, alors que pas du tout, nous sommes là pour les aider, justement. Enfin, nous étions là pour ça… » « On a changé de logique, remarque Irène, au sein du service public de l’emploi depuis vingt ans. On a le sentiment d’être dans une gare de triage et de ne pas avoir le temps d’accompagner les gens. On gère l’urgence. » « On est passé d’un service public à une gestion chiffrée, résume Renaud Fréchin, avocat dans le Sud-Ouest de plusieurs agents en conflit avec leur direction. La pression est très forte. Les indicateurs sont omniprésents. Tout le travail est organisé autour de ces indicateurs. » Nombre d’annonces émises, taux de réponse aux mails ou de réception à l’accueil : ces indicateurs uniquement chiffrés ne rendent pas compte de la qualité du travail – et de l’accompagnement – et sont source de manipulation.

Vente forcée de coaching et trucage de chiffres

Certains agents se retrouvent ainsi à faire de la « vente forcée » sur telles ou telles prestations de coaching « parce qu’il faut remplir des cases », alors même qu’ils savent très bien que ce n’est pas ce dont les gens ont besoin. Les demandeurs d’emploi deviennent secondaires, effacés par le besoin de performance chiffrée de l’institution, qui n’hésite pas à tricher si besoin. Benoît, qui a travaillé cinq ans dans une agence du Sud-Ouest, rapporte ainsi avoir participé à un vaste système de trucage de chiffres, qui a fini par avoir raison de lui. « Il fallait que l’on ait le plus gros volume d’offres possible, explique-t-il. Le mieux, c’était les offres en « pré-sélection ». Celles pour lesquelles nous présentions aux entreprises des candidats pré-sélectionnés. »

Pour gonfler cet indicateur jugé primordial, les agents de Pôle emploi intègrent des personnes recrutées sans leur intervention. Comment ? « Soit on demandait aux entreprises de nous donner les noms des personnes recrutées, soit on rentrait les données qui figuraient sur les déclarations préalables à l’embauche (DPAE). Pendant plusieurs mois, notre direction avait, semble-t-il, accès à ces DPAE sans que l’on sache comment. » À un moment donné, cette transmission des DPAE s’est arrêtée. Les agents ont alors fait des copier/coller des mois précédents pour alimenter les tableaux de statistiques. Ce système généralisé de faux-semblant a peu à peu anéanti Benoît, qui est resté en arrêt maladie pendant plusieurs mois avant d’être licencié pour inaptitude en février 2019.

Benoît se dit « ecœuré » par la réalité du travail à Pôle emploi, si éloigné de ce qui était au centre de ses préoccupations quand il a intégré cette institution, à savoir « l’accompagnement des chômeurs, et en particulier les plus précaires d’entre eux ». Cette souffrance des plus engagés dans leur travail dure depuis des années. En 2012 déjà, à la demande du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), des experts ayant enquêté au sein de plusieurs dizaines d’agences relevaient « des situations de conflits de valeurs particulièrement nuisibles pour la santé », avec des agents qui ne trouvaient plus de sens à leur métier. Ceux-ci évoquaient déjà des « sentiments de honte vis-à-vis du fait de travailler à Pôle Emploi et/ou vis-à-vis du demandeur d’emploi ».

« Je pense à ces femmes seules, mères célibataires, il y en a beaucoup à Pôle emploi »

« J’ai treize demandeurs d’emploi à voir en une demi-journée pour vingt minutes chacun ! Si on en convoque moins de dix, on se fait remonter les bretelles ! », témoignait alors un conseiller. « Les portefeuilles de demandeurs d’emploi sont extrêmement remplis : entre 150 et 300 demandeurs d’emploi pour un agent à temps plein », cite le rapport qui signale un épuisement « alarmant » des personnels, avec « un sentiment d’être débordé, submergé, broyé ». En 2020, les portefeuilles sont encore plus fournis [2]« Certains collègues badgent après leur arrivée, ils sautent leur déjeuner, ils restent jusqu’à 19h, ils ne prennent pas trop de congés, sinon ils ont trop de boulot quand ils reviennent », rapporte Lakhdar Ramdani. Et les CHSCT ont, depuis, été supprimés. Plus aucun rapport d’expertise ne viendra tirer la sonnette d’alarme pour protéger la santé des 30 000 agents.

Baignant dans ce stress latent, plusieurs salariés évoquent le dossier de France Télécom/Orange, et des salariés qui se sont suicidés. Une plainte déposée en 2014, par le syndicat CFTC et les parents d’une agente ayant mis fin à ses jours, évoque 17 suicides d’origine professionnelle. Aucun décompte n’a eu lieu depuis, notent des journalistes dans un ouvrage consacré à la souffrance au travail à Pôle emploi [3]. Elles citent néanmoins une source syndicale qui parle de dizaines de suicides et tentatives de suicide entre 2012 et 2013 « Je me sens très inquiet pour mes anciens collègues, glisse Benoît. Je sais combien c’est difficile alors même que je suis marié, que j’ai une famille sur laquelle m’appuyer. Mais je pense à toutes ces femmes seules, mères célibataires, il y en a beaucoup à Pôle emploi. »

« Beaucoup de collègues sont malades. Dans certaines agences, le taux d’arrêts est alarmant »

« Nous avons beaucoup de collègues malades. Dans certaines agences, le taux d’arrêts est alarmant », avertit Catherine Barbier. « L’absentéisme constitue un indicateur fort de la qualité de vie au travail, admet la direction interrogée par Basta !, ajoutant être « fortement engagée dans une démarche de prévention » de cet absentéisme. De quelle manière ? Mystère. Aucune précision ne nous a été donnée. « Ils refusent de parler de front de ce sujet, tempête Chantal Rublon. On les comprend. Plus le taux d’absentéisme est élevé, plus l’organisation du travail est remise en cause. » « Chez nous, on ne parle pas de ce qui ne va pas, appuie Gilles Durand, travaillant au service Contentieux, et syndiqué chez Sud. La culture du déni est très forte. »

« 79 % des agents de Pôle emploi déclarent être fiers de travailler au sein de l’établissement et 77 % des agents ont confiance dans l’avenir de Pôle emploi », se réjouit la direction. Citant une enquête réalisée après le confinement, la direction conclut à « l’adhésion des agents aux orientations engagées depuis huit ans par Pôle emploi ». Problème : les agents contactés n’ont aucun souvenir d’avoir répondu à une quelconque enquête sur le sujet. « Le dernier questionnaire que l’on a eu portait sur la façon dont on avait vécu le travail pendant le confinement, pas du tout sur les orientations de Pôle emploi, dont nous ne discutons jamais… »

Flicage et infantilisation

« Les seuls espaces de transgression qui nous restent sont les temps d’entretien, remarque Erwan. Mais là aussi, ils tentent de nous fliquer, de nous déposséder de notre travail, notamment avec les ORT (observation de la relation de travail, ndlr). » Derrière cet acronyme, se cache une scène peu confortable : un responsable hiérarchique, qui décide de vos augmentations éventuelles et de vos dates de vacances, se poste dans votre bureau et assiste à l’entretien mené avec un demandeur d’emploi. Difficile, évidemment, d’être à l’aise. Et impossible d’expliquer aux chômeurs comment être plus malin qu’un système qui cherche à les piéger pour qu’ils soient radiés. « Sur une même année, on peut être amené à être évalué deux ou trois fois par son supérieur hiérarchique, sans qu’il ne maîtrise nécessairement l’activité qu’il est censé observer », précise Erwan.

Cette infantilisation opère dans d’autres « propositions » de management qui, sous couvert de dialogues, sont en fait imposées aux agent.es. « À la place des échanges spontanés qui pouvaient avoir lieu autour de la machine à café, ils organisent des réunions planifiées de convivialité », grince un agent. Comme si la convivialité pouvait se décréter. Il arrive aussi que les salariés soient invités à participer à une grande chasse aux œufs de Pâques avec leurs familles, ou à une galette des rois collective. « Parfois, ce sont les collègues eux-mêmes qui organisent ces temps, dit Erwan. On a une réunion le matin et l’après midi, ils programment un « escape game ». C’est évidemment très compliqué de dire non. »

Pour échapper à ces pressions, beaucoup de conseillers se tournent vers le télétravail. « C’est une façon de se protéger, dit Pauline, rencontrée lors d’une journée de formation. Je suis moins sollicitée, je suis plus au calme. » En Bretagne, avant la crise sanitaire du Covid-19, près d’un tiers des conseillers avaient formulé une demande de télétravail. Une partie des 30 000 conseillers passés en télétravail pendant le confinement éprouve une peur panique de revenir en agence.

Certains agents choisissent le temps partiel, pour pouvoir respirer, ou bien ils partent en formation, choisissent de se réorienter, signent des ruptures conventionnelles. « Chacun essaie de sauver sa peau, relève Catherine Barbier. Il faut bien trouver une solution pour le mal-être qu’on ressent au travail à cause de conflits de valeur insupportables. » Dépité, Lakhdar Ramdani conclut : « Les conditions pour rendre réellement service aux demandeurs d’emploi ont disparu. Dès lors, pourquoi rester, se demandent les collègues. » Mais ceux et celles qui restent s’inquiètent : si tout le monde quitte le navire, qui va s’occuper des demandeurs et demandeuses d’emploi ?

Nolwenn Weiler (Source Bastamag)

Dessin : Rodho

Notes

[1Voir le rapport d’information de M. Jean-Paul Alduy, fait au nom de la Mission commune d’information relative à Pôle Emploi, 5 juillet 2011.

[2Voir ce site de Pôle emploi qui détaille les portefeuilles agence par agence.

[3Pôle emploi, la face cachée. Margaux Duguet, Catherine Fournier, Valentine Pasquesoone. Éditions de l’Atelier, 2019.

La gestion de Pôle emploi, dix ans après sa création

La gestion de Pôle emploi, dix ans après sa création | Cour des ...

Issu de la fusion de l’ANPE et des Assédic en 2008, Pôle emploi est un des plus grands opérateurs de l’État, avec un effectif de plus de 53 000 salariés fin 2018.

 

Pour son fonctionnement, l’établissement a disposé en 2018 de 5,5 Md€ de ressources (dont 3,4 Md€ de subvention de l’Unédic et 1,5 Md€ de l’État).

Il a versé des allocations aux demandeurs d’emploi à hauteur de 33,9 Md€ pour le compte de l’assurance chômage et de 2,8 Md€ pour celui de l’État et du fonds de solidarité. Au premier trimestre 2019, Pôle emploi devait accompagner 5,6 millions de demandeurs d’emploi (contre 4,2 millions fin 2011).

Dans ce rapport préparé avant la crise sanitaire du Coronavirus, la Cour des Comptes dresse un bilan de la gestion de Pôle emploi, dix ans après sa création, en examinant sa stratégie, sa gouvernance, la gestion de ses moyens financiers et humains, et sa performance.

La Cour des comptes s’en prend à la politique de ressources humaines de Pôle emploi. Elle épingle en effet la politique de l’opérateur vis-à-vis de ses cadres dirigeants entre 2012 et 2018. Elle dénonce notamment des primes de mobilité au montant « excessif », des « augmentations très rapides », des voitures de fonction systématiques ou des ruptures conventionnelles « très favorables en fin de carrière ».

Des pratiques héritées, selon elle, des « circonstances particulières de la fusion (entre ANPE et Assédic, ndlr), qui ne sont pas acceptables onze ans après, dans le contexte d’économies imposées à l’ensemble du secteur public depuis plusieurs années ». Selon l’étude de la Cour des comptes, plusieurs directeurs généraux adjoints, « encore présents ou ayant quitté l’établissement sur la période 2012-2018 » ont ainsi vu leur salaire augmenter entre 12,3 et 17% par an. Sur cinq ans, certains ont même vu leur rémunération augmenter de 79%.

121 voitures de fonction

Des augmentations que Pôle emploi justifie par « l’extension du périmètre de responsabilité de ces directeurs généraux adjoints sur la période ». Des évolutions qui restent toutefois « sans lien avec le modèle économique et financier d’un établissement public administratif », rappellent les magistrats de la Cour des comptes. Pour mieux réguler ces politiques, ils demandent la mise en place d’un comité chargé d’examiner les rémunérations des plus hauts salaires.

Autre pratique pointée du doigt : les voitures de fonction. En 2018, 121 cadres dirigeants de Pôle emploi en bénéficiaient. Des véhicules mis à la disposition des cadres dirigeants qu’ils peuvent utiliser « à titre personnel » et dont tous les coûts, hors essence, péage et parkings liés à l’utilisation personnelle, sont pris en charge par l’opérateur public. Un avantage qui a coûté, en 2018, 1.198.762 euros à Pôle emploi. La Cour des comptes estime ainsi nécessaire de réduire le parc automobile et de ne réserver ces voitures qu’aux plus hautes fonctions de l’institution, comme défini par les circulaires de 2015 et 2017.

Des ruptures conventionnelles très avantageuses

Pôle emploi est également épinglé pour sa gestion des ruptures conventionnelles, « modalité la plus répandue de départ » pour ses cadres dirigeants en fin de carrière. Ainsi, entre 2012 et 2018, 45 cadres dirigeants ont bénéficié de cette disposition et 21 seulement sont partis volontairement à la retraite, détaille l’institution de la rue Cambon. Une mode de fin de contrat qui intervient en fin de carrière « vers 60 ou 61 ans, se substituant au départ à la retraite », dénonce la Cour.

Ainsi, les magistrats pointent le cas de trois cadres dirigeants, âgés de 58 à 61 ans, partis de Pôle emploi dans des conditions particulièrement favorables : 18 mois de salaire et une dispense de « travailler pendant six ou neuf mois, tout en conservant le bénéfice de leur salaire et de leur voiture de fonction ». Au total, leur départ aurait coûté 1.311.000 euros brut à Pôle emploi. Une somme justifiée par l’organisme par « leur position particulière à des postes à haut niveau de responsabilité supprimés à la suite de réorganisations ».

La Cour formule au total 13 recommandations sur la gouvernance, la gestion interne et la démarche de performance de Pôle emploi.

Pour consulter le rapport de la Cour des Comptes cliquer sur le lien suivant: 2020 07 16 Rapport cour des Comptes Pôle Emploi

Quelle évolution des droits à l’assurance chômage ? (1979-2020)

L’Institut de recherches économiques et sociales (IRES) en partenariat avec la CGT a réalisé une enquête sur l’évolution de l’assurance chômage dans les quarante dernières  années.

Les chercheurs en sociologie, Mathieu Grégoire, Claire Vivés et Jérôme Deyris ont travaillé, pendant 2 ans, sur un « calculateur des droits » qui permet de mettre au jour l’évolution des droits à assurance chômage depuis 1979 jusqu’aux règles édictées en 2019. Jamais réalisée auparavant, l’étude modélise ainsi toute situation individuelle pour comparer la durée et le montant des allocations (ou leur disparition) d’une réglementation à l’autre. Pour y accéder, cliquer ICI

Cette étude démontre la baisse scandaleuse des droits à l’assurance chômage. De façon très précise, en effet, elle révèle que les droits des personnes qui alternent petits boulots (CDD de plus en plus courts, saisonniers, intérimaires, intermittents hors spectacle…) se sont dégradés, sous l’effet de différentes conventions, notamment depuis 2011 et, surtout, s’effondrent avec la réglementation 2019 imposée par le gouvernement.

Pour comprendre l’évolution des droits à l’assurance chômage depuis 1979, le rapport débute par une étude sur l’évolution sur 40 ans du taux de couverture en reconstituant des séries inédites et montrant notamment que la part des chômeurs indemnisés n’a jamais été aussi basse qu’à la fin des années 2010 (chapitre 1). Dans un second temps, l’étude retrace l’évolution de la règlementation de 1979 à 2019 (chapitre 2).
Le rapport présente ensuite (chapitres 3 à 6) le cœur de cette recherche : la construction d’un simulateur destiné à objectiver l’évolution des droits pour des profils particuliers de salariés. L’outil permet de calculer, pour tout cas constitué d’une trajectoire particulière d’emploi-chômage de 120 mois, les droits générés, mois par mois, dans le cadre de chacune des 10 principales conventions retenues entre 1979 et 2019. Il permet ainsi à la fois d’étudier les droits pour des trajectoires d’emploi très diverses et de comparer ces droits pour quarante ans de réglementation. Trois principaux types de trajectoires sont étudiés : les trajectoires des salariés stables, celles des salariés à l’emploi discontinu ayant des contrats de plus d’un mois et celles des salariés à l’emploi discontinu ayant des contrats de moins d’un mois.
L’étude donne ainsi à voir des dynamiques de l’indemnisation du chômage qui échappent, pour partie, à une analyse fondée sur les seules évolutions, réformes après réformes, des règles d’indemnisation. Elle montre notamment une inversion complète, entre 1979 et 2019, de la hiérarchie de l’indemnisation pour les salariés à l’emploi discontinu les plus précaires. Alors que ceux qui étaient les plus exposés au chômage en 1979 étaient les plus indemnisés, c’est l’inverse qui se produit en 2019 : leur indemnisation est d’autant plus forte que leur chômage est faible. Aussi cette étude permet-elle de s’interroger sur une transformation profonde du dispositif d’indemnisation du chômage qui, pour ces salariés, relève désormais moins d’une logique d’assurance face à un risque que de ce celle d’un compte d’épargne ou d’une prime pour l’emploi.
Elle donne aussi à voir à quel point la réforme de 2019 est constitutive d’un effondrement historique de l’indemnisation pour les salariés à l’emploi discontinu.