« Féminicides » et « La Maison des hommes violents » : deux documentaires édifiants

En 2019, 150 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint en France. Et la période de confinement dû à la crise sanitaire a encore accru les violences conjugales et domestiques…

C’est dans ce contexte tendu et sous la forme d’un appel à la prise de conscience que France 2 consacrait une soirée au sujet, le 2 juin avec deux documentaires à regarder en cliquant sur les liens suivants:

Féminicides: La réalisatrice Lorraine de Foucher y retrace une enquête méthodique sur cinq cas concrets menée par plusieurs journalistes d’investigation du journal Le Monde. Le quotidien a en outre publié en dossier spécial de 14 pages dans son édition du 31 mai, résultat d’une année d’enquête autour de 120 affaires d’homicides conjugaux.

À l’écran, les histoires emblématiques de Laetitia Schmidt, Sylvia Bouchet, Hélène Bizieux, Marie-Alice Dibon, Ana Galajyan, font l’objet d’un décryptage minutieux qui met en évidence un schéma criminel récurrent. On y retrace l’évolution de la relation de couple, de la rencontre jusqu’au meurtre, et on donne la parole à l’entourage des victimes, aux gendarmes, aux représentants de la justice quand ceux-ci ont accepté de s’exprimer.

Car des erreurs judiciaires à l’aveuglement des forces de police en passant par l’impuissance des familles et le tabou de toute une société, c’est le sentiment d’un immense abandon criminel qui se dessine. À bonne distance, la caméra de Lorraine Foucher sillonne la France pour signifier l’échelle du fléau et entre avec pudeur dans l’espace intime des proches qui se remémorent des engrenages souvent similaires, faits de signes avant-coureurs et de détails révélateurs d’une violence ordinaire.

Selon un rapport de l’inspection générale des services judiciaires publié fin 2019, dans 63 % des féminicides, des violences préexistantes auraient pu constituer un signal d’alarme. Dans 35 % des cas, elles n’avaient pas été signalées à la police, mais étaient le plus souvent connues de la famille, des voisins ou des services sociaux.

L’autre versant de ce constat glaçant est celui de la prise en charge des auteurs de ces violences. C’est l’objet du documentaire, La Maison des hommes violents de Marie-Christine Gambart, qui constitue, lui, une plongée dans la seule structure en France spécialisée dans l’accompagnement des auteurs de violences conjugales.

On suit le quotidien de six hommes placés par décision judiciaire à la maison des Rosati, à Arras, dans le Pas-de-Calais. En attendant leur procès, dans un cadre de vie strict qui les tient à distance de certaines addictions, l’équipe d’encadrement mène un suivi thérapeutique soutenu qui vise la remise en question et la prévention contre la récidive.

Quelques-uns y feront un court séjour de trois semaines et d’autres y resteront jusqu’à plusieurs mois. Après ce « sas » de réflexion, certains parviendront à sortir de la brutalité. Hubert est là pour un mois. Après avoir « bousculé » son épouse sous l’effet de l’alcool, il a reçu un rappel à la loi, et s’emploie à cuisiner quotidiennement au Centre. Les chemins de Kévin, Sébastien, Bernard sont plus tortueux…

La caméra évite soigneusement leurs visages mais Freddy, 41 ans, qui a passé la moitié de sa vie en prison pour de multiples condamnations, accepte de témoigner à visage découvert. Après 4 mois aux Rosaties, clean, il assume ses actes et reconnaît avoir franchi la ligne rouge. Pêchant au bord d’un fleuve par une journée estivale, il lâche « si j’en suis là, c’est aussi grâce à ma femme qui a trouvé le courage d’aller porter plainte. Sinon, comment ça aurait fini, on ne sait pas… ».

Il pourrait être un exemple que des hommes violents peuvent rompre la spirale infernale de la violence. Que la réponse répressive doit être accompagnée d’un accompagnement éducatif et social visant à la réinsertion. Dommage que la maison des Rosaties soit l’unique structure de ce type en France et que son avenir soit menacé par manque de financements.