Baromètre Unédic : quel regard les Français portent-ils sur le chômage et les chômeurs ?

Baromètre de la perception du chômage 2e volet

L’Unédic dévoile les résultats du 2ème volet de son Baromètre de la perception du chômage. Depuis la publication de la 1ère édition en avril dernier, la pandémie de Covid-19 a imposé une période de confinement à plus de la moitié de la population mondiale, dont la France. L’ampleur de la crise économique et sociale qui s’en suit s’annonce inédite. Dans ce contexte, comment ont évolué les perceptions de la population française vis-à-vis du chômage ?

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La réforme du chômage va aggraver l’état de santé des demandeurs d’emploi

Maladies chroniques et cardiovasculaires, mal-bouffe, diabète, dépressions : le chômage n’est pas bon pour la santé. Avec le durcissement de l’accès aux indemnités, l’état de santé des plus précaires risque de se dégrader encore davantage.

 

 

Que vont devenir les centaines de milliers de personnes qui verront leurs indemnités chômages amputées si la réforme prévue par le gouvernement venait à s’appliquer en septembre prochain, alors même que se profile un nouvel afflux massif de demandeurs d’emploi à l’automne ? Et comment celles et ceux qui ne pourront prétendre à aucune indemnité vont-ils faire ? Une seule certitude : leur état de santé risque de s’aggraver. Car le chômage n’est pas bon pour la santé. Peu documenté, le sujet mérite pourtant que l’on s’y penche, il concerne en effet plusieurs millions de personnes.

Stress, maladies cardiovasculaires et surmortalité

14 000. C’est le nombre de morts directement causées par le chômage, chaque année, en France. Ce chiffre, issu de la première étude française sur la santé des chômeurs, est sorti en 2015 [1]« On a longtemps résumé la surmortalité des chômeurs à la question des suicides, décrit le chercheur Pierre Ménéton, qui a dirigé l’étude. Cette problématique existe, bien sûr. Elle concerne plusieurs centaines de personnes chaque année, mais la surmortalité est en réalité bien plus vaste. Elle est due en premier lieu aux pathologies cardiovasculaires, plus fréquentes chez les demandeurs d’emploi. » Aux comportements addictifs – tabac et alcool – plus répandus, s’ajoutent le stress et l’angoisse dont l’étreinte s’aggrave à mesure que la durée de chômage augmente.

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À cela s’ajoutent les défauts de soins. 31 % des femmes et 29,8 % des hommes à la recherche d’un emploi renoncent aux soins pour des raisons financières, contre respectivement 15 % et 11 % des personnes ayant un emploi [2]. D’autres sont terrifiés à l’idée de ne pas consacrer l’intégralité de leur temps à la recherche d’un emploi. « J’ai renoncé à une hospitalisation pour mon diabète, par peur de passer à côté d’une offre d’emploi intéressante, de ne pas pouvoir me rendre à un entretien », rapporte ainsi une femme. « Certains médecins sont compréhensifs, raconte Mélanie, interrogée lors de l’étude. Mais tous ne jouent pas le jeu. Une professionnelle m’a incitée à suivre des séances de sophrologie et à prendre des médicaments non remboursés. Tout cela à un coût… inaccessible lorsque l’on perçoit le chômage. »

Dépressions et mauvaise alimentation

Au chômage de longue durée, Mélanie confie avoir des « problèmes de sommeil et de stress qui s’accompagnent de maux de dos, de problèmes de digestion, d’angoisse et de palpitations » [3]« Il est plus difficile de se nourrir correctement en période de chômage. On se tourne vers des enseignes à bas coût. Le coût des aliments est ma priorité et non plus la qualité de mon alimentation », témoignent des demandeurs d’emploi. « Le chômage impacte négativement les habitudes de vie, souligne Pauline Simon de l’association Solidarités nouvelles face au chômage (SNC), Le manque d’activité physique et les mauvaises habitudes alimentaire constituent des sur-risques pour la santé. »

Aux repas manqués, ou de mauvaise qualité, peuvent succéder des épisodes boulimiques, ou des pertes d’appétit. « Le fait d’être au chômage est particulièrement mal vécu psychologiquement, insiste Pierre Ménéton. Les personnes au chômage sont plus dépressives, elles ont davantage de troubles du sommeil. Et c’est vraiment lié au chômage, puisque l’on ne retrouve pas ces problèmes de santé parmi les retraités ou les mères au foyer par exemple, qui sont des personnes également sorties du monde du travail. » 24 % des hommes et 26 % des femmes qui ont été au chômage ont connu des épisodes dépressifs, contre 13 % et 22 % pour les personnes qui travaillent [4].

Le chômage fait aussi des victimes collatérales, au sein de la famille. Le « non-recours à la CMU par exemple peut avoir un impact sur les enfants », éclaire Pierre Ménéton. « L’angoisse diffuse des enfants a un impact sur leur avenir scolaire », rappelle Jacqueline Farache dans une étude remise au conseil économique, social et environnemental (Cese) à propos des conséquences du chômage. Mais les enfants mineurs ne sont pas les seuls concernés. Le chômage des jeunes est une source d’angoisse pour leurs parents, voire leurs grands-parents.

« Perdre son emploi c’est perdre son identité sociale, voire sa valeur sociale »

« C’est une période souvent vécue comme un traumatisme, témoigne auprès de Basta ! Jacques Baugé, médecin à la retraite et accompagnant de personnes au chômage au sein de l’association SNC. Il y a l’inconnu de l’avenir, et le fait de ne pas avoir de réponse aux diverses candidatures ou démarches que l’on entreprend. Au bout d’un certain temps, une vraie lassitude s’installe. » Jacqueline Farache relève que « la recherche d’emploi est une obligation assortie de contrôles, une norme juridique, sociale et subjective, une épreuve usante plus qu’un programme ».

« Découragée, seule et anxieuse, cette longue période sans travail n’a fait que renforcer mon manque de confiance en moi, ma culpabilité et ma déprime », illustre une demandeuse d’emploi. Si les personnes sont si touchées, c’est parce que « le travail a une fonction identitaire très importante, souligne Jacques Baugé. Sans travail, le collectif disparaît. On change de position vis-à-vis de ses enfants et de son.sa conjoint.e. Il faut meubler le temps, c’est loin d’être évident. Le confinement l’a bien montré : c’est difficile de gérer son temps quand il n’y a pas de repère. »

« Perdre son emploi c’est perdre son identité sociale, voire sa valeur sociale. Cette réalité est très prégnante en France où la population se distingue par un véritable investissement dans la valeur travail qui vient parfois supplanter d’autres dimensions de la vie. Les enquêtes d’opinion mettent en avant un attachement au travail bien plus fort en France que dans d’autres pays européens », souligne Jacqueline Farache.

La stigmatisation des chômeurs aggrave leur stress

Contrairement à une idée reçue, ce ne sont pas le temps libre et les loisirs qui occupent une place prépondérante dans la vie des Français.es, mais plutôt le travail. Il est mis en avant par tous les groupes sociaux, y compris par les demandeurs et demandeuses d’emploi. « Au-delà de sa fonction rémunératrice, les Français.es pensent que le travail est un vecteur d’épanouissement ou de réalisation de soi. Ils sont 78 % à l’affirmer, contre 47 % des Suédois.es, 48 % des Allemand.e.s ou 58 % des Anglais.es, cite Jacqueline Farache. En conséquence, le chômage est particulièrement mal vécu par les personnes car il porte atteinte à l’image qu’elles ont d’elles-mêmes. »

Ce surinvestissement de la valeur travail accentue l’épreuve de la stigmatisation. « Le regard de la société sur les chômeurs est très sévère, rappelle Pauline Simon. Quand on a pas de travail on s’isole et on a honte. Beaucoup de gens ne sortent plus. » Parmi les pistes avancées par celles et ceux qui accompagnent les chômeurs : une vaste campagne d’information sur les effets dévastateurs des jugements dévalorisants qui constituent « une véritable charge mentale souvent difficile à supporter pour les individus », selon le rapport du Cese.

La réforme qui s’annonce va entraîner des problèmes de santé massifs

« Quand le contexte social est favorable, avec par exemple de bonnes indemnités, on amortit les effets négatifs du chômage », remarque Pierre Ménéton, très préoccupé par la réforme annoncée, « qui ne parle absolument pas de santé, pas plus que la réforme des retraites… »  « Nous avons de grande inquiétude concernant cette réforme qui va précariser les plus fragiles, appuie Pauline Simon. Les chômeurs sont extrêmement angoissés à l’idée de voir leurs indemnités réduites. « Ils veulent qu’on se suicide », disent certains d’entre eux. » « On a vu l’activisme des pouvoirs publics sur la question du Covid-19, conclue Pierre Ménéton. Ils sont également très actifs sur la question de la sécurité routière. C’est d’ailleurs très bien. Mais pourquoi ne font-ils rien pour ces millions de chômeur dont l’état de santé est très dégradé ? » 

Nolwenn Weiler (Source article Bastamag )

Dessin : Rodho

Notes

[1Pour une présentation de cette étude voir ici

[2Etude Constances : le chômage, un problème de santé publique, voir ici.

[3La santé des chercheurs d’emploi, un enjeu de santé publique. Rapport de l’association Solidarités nouvelles face au chômage. 2018.

[4L’impact du chômage sur les personnes et leur entourage : mieux prévenir et accompagner. CESE, 2016, ici.

Philippe Martinez (CGT) : « Ce serait un signal fort que Macron abandonne la réforme de l’assurance chômage ! »

Les partenaires sociaux  étaient reçus ce mercredi à l’Elysée … attentes autour de la réforme de l’assurance chômage, du chômage partiel et de l’aide à l’embauche des jeunes.

 

Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, était l’invité de l’émission Ecorama du 24 juin 2020, présentée par David Jacquot sur Boursorama.com.

Une interview à retrouver ICI

 

 

Quelle évolution des droits à l’assurance chômage ? (1979-2020)

L’Institut de recherches économiques et sociales (IRES) en partenariat avec la CGT a réalisé une enquête sur l’évolution de l’assurance chômage dans les quarante dernières  années.

Les chercheurs en sociologie, Mathieu Grégoire, Claire Vivés et Jérôme Deyris ont travaillé, pendant 2 ans, sur un « calculateur des droits » qui permet de mettre au jour l’évolution des droits à assurance chômage depuis 1979 jusqu’aux règles édictées en 2019. Jamais réalisée auparavant, l’étude modélise ainsi toute situation individuelle pour comparer la durée et le montant des allocations (ou leur disparition) d’une réglementation à l’autre. Pour y accéder, cliquer ICI

Cette étude démontre la baisse scandaleuse des droits à l’assurance chômage. De façon très précise, en effet, elle révèle que les droits des personnes qui alternent petits boulots (CDD de plus en plus courts, saisonniers, intérimaires, intermittents hors spectacle…) se sont dégradés, sous l’effet de différentes conventions, notamment depuis 2011 et, surtout, s’effondrent avec la réglementation 2019 imposée par le gouvernement.

Pour comprendre l’évolution des droits à l’assurance chômage depuis 1979, le rapport débute par une étude sur l’évolution sur 40 ans du taux de couverture en reconstituant des séries inédites et montrant notamment que la part des chômeurs indemnisés n’a jamais été aussi basse qu’à la fin des années 2010 (chapitre 1). Dans un second temps, l’étude retrace l’évolution de la règlementation de 1979 à 2019 (chapitre 2).
Le rapport présente ensuite (chapitres 3 à 6) le cœur de cette recherche : la construction d’un simulateur destiné à objectiver l’évolution des droits pour des profils particuliers de salariés. L’outil permet de calculer, pour tout cas constitué d’une trajectoire particulière d’emploi-chômage de 120 mois, les droits générés, mois par mois, dans le cadre de chacune des 10 principales conventions retenues entre 1979 et 2019. Il permet ainsi à la fois d’étudier les droits pour des trajectoires d’emploi très diverses et de comparer ces droits pour quarante ans de réglementation. Trois principaux types de trajectoires sont étudiés : les trajectoires des salariés stables, celles des salariés à l’emploi discontinu ayant des contrats de plus d’un mois et celles des salariés à l’emploi discontinu ayant des contrats de moins d’un mois.
L’étude donne ainsi à voir des dynamiques de l’indemnisation du chômage qui échappent, pour partie, à une analyse fondée sur les seules évolutions, réformes après réformes, des règles d’indemnisation. Elle montre notamment une inversion complète, entre 1979 et 2019, de la hiérarchie de l’indemnisation pour les salariés à l’emploi discontinu les plus précaires. Alors que ceux qui étaient les plus exposés au chômage en 1979 étaient les plus indemnisés, c’est l’inverse qui se produit en 2019 : leur indemnisation est d’autant plus forte que leur chômage est faible. Aussi cette étude permet-elle de s’interroger sur une transformation profonde du dispositif d’indemnisation du chômage qui, pour ces salariés, relève désormais moins d’une logique d’assurance face à un risque que de ce celle d’un compte d’épargne ou d’une prime pour l’emploi.
Elle donne aussi à voir à quel point la réforme de 2019 est constitutive d’un effondrement historique de l’indemnisation pour les salariés à l’emploi discontinu.

 

Chômage, la «deuxième vague» de l’épidémie? – Podcast

Chômage, la « deuxième vague » de l'épidémie ? JACQUES SAPIR ...

Plans sociaux en cascade, reprise économique timide, récession encore plus forte que prévu… Et si la flambée du chômage en avril n’était qu’un avant-goût de ce qui attend le marché du travail? Comment éviter une spirale dépressive dans l’après-coronavirus? Baisser les salaires permet-il vraiment de «préserver l’emploi»?

Jacques Sapir et Clément Ollivier reçoivent Bruno Ducoudré, économiste au département Analyse et prévision de l’OFCE.

Un podcast à écouter ICI