Pourquoi la CGT a signé l’accord national sur l’encadrement?

Au terme de cinq ans d’une laborieuse négociation imposée au Medef par l’unité syndicale et après consultation de ses organisations, la CGT a décidé de signer l’Accord National Interprofessionnel (ANI) qui définit l’encadrement.

Cette ratification par la CGT et son Union Générale des Ingénieurs Cadres et Techniciens de l’Accord National Interprofessionnel (ANI) sur l’encadrement le 18 juin est un événement important à plusieurs titres.

D’abord parce qu’il démontre que lorsque les syndicats font front ensemble, le Medef peut caler et reculer et qu’il est possible d’arracher des droits et des garanties collectives. La signature de la CGT vient donc conclure un long et laborieux processus de négociation.

Reportée plusieurs fois depuis mars 2018, la négociation de ce texte découlait de l’accord d’octobre 2015 sur la fusion des régimes de retraite complémentaire des cadres et des non-cadres. Sous la pression syndicale, le Medef a d’abord dû concéder de mauvaise grâce cette négociation.

 

À contrecourant de l’inversion de la hiérarchie des normes

Ensuite parce que cet ANI prend à contrepied l’inversion de la hiérarchie des normes imposée par la réforme du Code du travail. Le patronat et les néo-libéraux poussent depuis des années à ce que les éléments les plus importants du contrat de travail soient « négociés » quasiment de gré à gré entreprise par entreprise, hors de tout cadre national interprofessionnel avec à la clé un risque de dumping social sur le dos des salariés qualifiés.

Définir le périmètre de l’encadrement

L’objet de cette négociation n’était pas la préservation de supposés privilèges octroyés à une catégorie choyée par un patronat généreux, mais bien, comme l’affirmait la CGT, « d’associer à la définition de l’encadrement des droits effectifs pour donner aux cadres les moyens d’être professionnellement engagé. es et socialement responsables ».

Il s’agissait d’abord de définir le périmètre de l’encadrement que le patronat voulait restreindre aux seuls cadres de commandement. Il entendait aussi laisser cette définition à la main de chaque employeur. Selon l’entreprise où il travaille, un. e ingénieur serait ou ne serait pas reconnu comme cadre.

À l’inverse, l’Ugict-CGT a constamment plaidé pour « inclure toute la diversité actuelle de l’encadrement au sens large » (cadres supérieurs, managers de proximité, cadres technico-commerciaux, ingénieurs, personnel de haute technicité, experts…). « Cette définition interprofessionnelle repose sur trois piliers, désormais clairement identifiés : le niveau de qualification (niveau de diplôme et qualification acquise par l’expérience), le degré d’autonomie dans le travail » et « le niveau des responsabilités sociales, économiques et/ou sociétales », détaille la CGT dans un communiqué.

Un accord qui porte plus loin que les seuls cadres

L’enjeu de la négociation et la conclusion de ce nouvel ANI dépasse le seul champ de l’encadrement. En effet, casser tous les repères et les droits collectifs qui imposent la reconnaissance des qualifications, des diplômes permettrait au patronat de tirer l’ensemble des grilles salariales vers le bas.

« La CGT et son Ugict s’appuieront donc sur cet ANI pour exiger, dans toutes les branches, l’ouverture de négociations », assure l’organisation syndicale spécifique des cadres. Reste en effet maintenant à traduire cet ANI dans la vie. Et l’on sait si l’on regarde celui portant sur le télétravail signé il y a quinze ans que le patronat ne s’est pas spontanément empressé d’ouvrir des négociations partout. Il en est résulté l’improvisation, le bricolage et finalement pour beaucoup de salariés un télétravail en mode dégradé durant le confinement.

 

Quelle évolution des droits à l’assurance chômage ? (1979-2020)

L’Institut de recherches économiques et sociales (IRES) en partenariat avec la CGT a réalisé une enquête sur l’évolution de l’assurance chômage dans les quarante dernières  années.

Les chercheurs en sociologie, Mathieu Grégoire, Claire Vivés et Jérôme Deyris ont travaillé, pendant 2 ans, sur un « calculateur des droits » qui permet de mettre au jour l’évolution des droits à assurance chômage depuis 1979 jusqu’aux règles édictées en 2019. Jamais réalisée auparavant, l’étude modélise ainsi toute situation individuelle pour comparer la durée et le montant des allocations (ou leur disparition) d’une réglementation à l’autre. Pour y accéder, cliquer ICI

Cette étude démontre la baisse scandaleuse des droits à l’assurance chômage. De façon très précise, en effet, elle révèle que les droits des personnes qui alternent petits boulots (CDD de plus en plus courts, saisonniers, intérimaires, intermittents hors spectacle…) se sont dégradés, sous l’effet de différentes conventions, notamment depuis 2011 et, surtout, s’effondrent avec la réglementation 2019 imposée par le gouvernement.

Pour comprendre l’évolution des droits à l’assurance chômage depuis 1979, le rapport débute par une étude sur l’évolution sur 40 ans du taux de couverture en reconstituant des séries inédites et montrant notamment que la part des chômeurs indemnisés n’a jamais été aussi basse qu’à la fin des années 2010 (chapitre 1). Dans un second temps, l’étude retrace l’évolution de la règlementation de 1979 à 2019 (chapitre 2).
Le rapport présente ensuite (chapitres 3 à 6) le cœur de cette recherche : la construction d’un simulateur destiné à objectiver l’évolution des droits pour des profils particuliers de salariés. L’outil permet de calculer, pour tout cas constitué d’une trajectoire particulière d’emploi-chômage de 120 mois, les droits générés, mois par mois, dans le cadre de chacune des 10 principales conventions retenues entre 1979 et 2019. Il permet ainsi à la fois d’étudier les droits pour des trajectoires d’emploi très diverses et de comparer ces droits pour quarante ans de réglementation. Trois principaux types de trajectoires sont étudiés : les trajectoires des salariés stables, celles des salariés à l’emploi discontinu ayant des contrats de plus d’un mois et celles des salariés à l’emploi discontinu ayant des contrats de moins d’un mois.
L’étude donne ainsi à voir des dynamiques de l’indemnisation du chômage qui échappent, pour partie, à une analyse fondée sur les seules évolutions, réformes après réformes, des règles d’indemnisation. Elle montre notamment une inversion complète, entre 1979 et 2019, de la hiérarchie de l’indemnisation pour les salariés à l’emploi discontinu les plus précaires. Alors que ceux qui étaient les plus exposés au chômage en 1979 étaient les plus indemnisés, c’est l’inverse qui se produit en 2019 : leur indemnisation est d’autant plus forte que leur chômage est faible. Aussi cette étude permet-elle de s’interroger sur une transformation profonde du dispositif d’indemnisation du chômage qui, pour ces salariés, relève désormais moins d’une logique d’assurance face à un risque que de ce celle d’un compte d’épargne ou d’une prime pour l’emploi.
Elle donne aussi à voir à quel point la réforme de 2019 est constitutive d’un effondrement historique de l’indemnisation pour les salariés à l’emploi discontinu.

 

Chômage, la «deuxième vague» de l’épidémie? – Podcast

Chômage, la « deuxième vague » de l'épidémie ? JACQUES SAPIR ...

Plans sociaux en cascade, reprise économique timide, récession encore plus forte que prévu… Et si la flambée du chômage en avril n’était qu’un avant-goût de ce qui attend le marché du travail? Comment éviter une spirale dépressive dans l’après-coronavirus? Baisser les salaires permet-il vraiment de «préserver l’emploi»?

Jacques Sapir et Clément Ollivier reçoivent Bruno Ducoudré, économiste au département Analyse et prévision de l’OFCE.

Un podcast à écouter ICI